AFRIQUE VRAIE

AFRIQUE VRAIE

| La disparition programmée des langues africaines

LA DISPARITION PROGRAMMEE DES LANGUES AFRICAINES
Le cas du Cameroun
                                                                                                                                              Par David MIYENGA MIYENGA

Si l’on ne dispose pas, à l’heure actuelle, de chiffres exprimant la gravité de la situation, il y a de quoi évoquer le sort de ces enfants africains, et camerounais en particulier, qui sont privés de langue nationale. Oui, privés de langue nationale. Car on ne saurait dire d’un enfant africain qui ne s’exprime qu’en Français (ou en Anglais) qu’il parle sa langue nationale ! Absolument pas.

Ces enfants ‘‘africains’’ à qui l’on refuse délibérément leur africanité constitueront, demain, une Afrique complètement perdue, sur le plan identitaire, et la situation ne sera pas réversible.


Certains conjoints qui se sont rendus coupables de ce crime ont trouvé pour excuse le fait qu’ils n’ont pas tous les deux la même langue nationale.


Mais avant de démontrer que leur excuse n’est pas valable du tout, parlons du cas le plus choquant de ceux-là qui, bien qu'ayant (et parlant) exactement la même langue nationale, décident délibérément de ne parler que Français (ou Anglais) à leur(s) enfant(s).


En général, ces parents ne se rendent pas compte de leur sottise, car c’est la mode (au Cameroun). Le Français (pour la partie francophone) a été ‘‘proclamé’’ ‘‘langue des bébés’’. En effet, (presque) plus aucune jeune maman (dans les zones urbaines principalement) n’ose parler à son petit bébé sa langue nationale. C’est démodé !


Et quand on leur fait voir qu’ils commettent là une grave erreur, certains répondent qu’ « il [l’enfant] finira toujours par parler [sa langue nationale]. » Or, l’expérience montre que, un enfant qui grandit sans jamais parler sa langue nationale (dans le contexte linguistique camerounais) ne la parlera jamais.


D’autres, à l’inverse, répliquent que le monde a évolué, et qu’il vaut mieux parler à l’enfant une langue qui lui permette de communiquer avec le monde extérieur. Ceci est évidemment un argument complètement erroné! Car l’enfant sera très tôt scolarisé, et apprendra donc le Français ou l’Anglais.


D’autres encore prétendent que justement, l’enfant aura du mal à s’intégrer à l’école s’il part de la maison sans savoir dire un mot de Français.


Or, tous ceux qui ont été scolarisés avant de commencer à parler Français savent que c’est un argument qui ne tient pas debout non plus.


D’ailleurs, parler à un enfant sa langue nationale n’empêcherait absolument pas un parent qui pense que son rejeton aurait du mal à s’intégrer à l’école de lui parler parallèlement un peu de Français ! Sans quoi le jeune élève aurait besoin de quelques mois de classes, oui, de quelques mois seulement, pour pouvoir communiquer couramment en Français.


Parlons à présent de ces couples formés d’un homme et d’une femme ne parlant pas la même langue nationale.


Dans le contexte traditionnel africain, une jeune femme qui part en mariage apprend la langue de son mari, quand celle-ci n’est pas sa langue nationale. Et tout se passe facilement dans la mesure où la mariée se retrouve dans un village ou un quartier où l’on ne parle que cette langue.


Mais le contexte est de plus en plus différent aujourd’hui avec l’urbanisation croissante, l’exode rural et le caractère cosmopolite de nos villes.


Il est cependant notoire qu’un enfant parle
toujours la langue que sa maman lui parle. Or les mamans passent trop de temps avec leur progéniture pour ne pas pouvoir lui transmettre leur langue nationale.

Chaque enfant devrait donc parler correctement au moins la langue de sa mère.

D’aucuns se demanderaient comment un enfant pourrait parler une langue s’il ne peut la parler qu’avec sa mère.

Or, un enfant qui ne parle pas la langue de sa mère entend régulièrement cette dernière parler cette langue avec d’autres gens, à diverses occasions  -- au téléphone, à la maison avec des invités, sur la route du marché, etc.--  C’est toujours une langue dont l’enfant constate l’existence et la présence autour de lui.

Le cas le plus triste reste celui des maisonnées où le père et la mère ne parlent que leur langue nationale, sauf, et cela de façon systématique, quand ils doivent s’adresser à leur(s) enfant(s), les rendant ainsi étrangers en leur propre maison.

Pourquoi refuser à un enfant africain son africanité!? Qu’ont-ils donc fait, tous ces enfants victimes de ce néocolonialisme parental, pour mériter cela ?

Une jeune femme de langue Duala, maman d’un petit garçon d’à peine un an et demi avait répliqué qu’elle avait essayé de parler à son enfant sa langue, mais que ce dernier ne comprend pas cette langue. Dans un cas pareil on ne sait même pas quoi dire.

Une autre jeune femme, mère d’une famille béninoise vivant à Douala, et maman d’un petit garçon d’à peu près le même âge que le précédent, qui demandait à son fils : «Où est lo babouches !? » (pour « où sont les babouches !? ») a dit exactement la même chose que la précédente.

On dirait maintenant que les enfants naissent étant déjà francophones, et incapables de comprendre quelque autre langue que ce soit.

Une chose que l’on ne doit pas oublier de souligner dans cette pratique malsaine qui consiste à parler Français aux enfants à la maison, surtout avant qu’ils ne soient scolarisés, est que dans l’immense majorité des cas les parents parlent très mal Français. Et donc, l’enfant arrive à l’école sachant déjà parler un mauvais Français qu’il aura tout le mal du monde à remplacer par le bon Français enseigné à l’école, tant ses camarades s’expriment eux aussi mal. Mais surtout parce qu’à la maison on persiste  à lui parler le mauvais Français.

Il naît donc ainsi une Afrique où les gens ne sauront parler aucune langue. Et avec ça, les Africains peuvent-ils prétendre ou espérer bâtir une civilisation qui leur donne droit à une place au sein  de la société des nations ? La réponse est « non ».

Une autre chose que l’on doit dire est que si le gouvernement camerounais avait conscience de la situation que nous venons de décrire, et de sa gravité, il s’emploierait à sensibiliser ses citoyens et à introduire dans les programmes scolaires l’enseignement des langues nationales, en vue de sauvegarder le patrimoine linguistique de notre pays. Mais il n’en  est rien. On assiste plutôt à des « journées nationales pour le bilinguisme ».

A quoi ça servirait de parler le Français et  l’Anglais si on ne sait même pas d’où on est ?

Pour beaucoup, une langue est un moyen de communiquer ; et si on parle déjà une langue, de surcroît internationale, ils ne voient pas en quoi il serait si important de parler sa langue nationale, surtout quand celle-ci n’est pratiquée que par quelques centaines de milliers (voire quelques milliers) de locuteurs.

En fait, une langue n’est pas simplement un moyen de communiquer. C’est aussi une traduction du monde, une transcription de la vie, un découpage de l’Univers. Et l’Africain a sa façon à lui de procéder à ces choses. De plus, l’unité culturelle de l’Afrique Noire (démontrée par l’inégalé Cheikh Anta Diop) permet que, quel que soit le nombre de langues que peut compter un pays africain, chacune d’elles véhicule des valeurs qui sont communes à tous les peuples africains. Lesquelles valeurs ont permis aux nations nègres de bâtir des civilisations brillantes dans l’Histoire (contrairement à ce que prétend un certain Henri Guaino), et qui ont été bafouées avec la Colonisation.

Quant
à dire si un pays comme le Cameroun peut se pourvoir d’une langue officielle unique qui soit de tous points de vue une langue africaine, c’est une autre question, qui mérite que l’on se penche très sérieusement dessus.
 

 

 

 

Article annexe: De la langue maternelle       

 

Selon l'encyclopédie libre Wikipédia, "La langue maternelle désigne la première  langue qu'un enfant apprend." Or l'expression bantou qui est souvent traduite par "langue maternelle" est "iyo di bwaa nyè" (en Bankon) ou "bwambo bo yai mo" (en Duala), qui est intraduisible en Français mais qui signifie littéralement "la langue qui l'a mis au monde". Il s'agit, pour l'individu, de la langue de sa nation (qui est la nation à laquelle appartiennent ses parents), c'est-à-dire de sa langue nationale. Dans le cas où les deux parents sont issus de deux nations différentes la langue nationale est celle du père, en régime patrilinéaire.

 

Chez les peuples africains, la notion de langue maternelle n'est donc pas définie, car elle n'a pas d'intérêt. Seule a de l'intérêt (et est donc définie) la notion de langue nationale, car cette dernière participe de la définition de l'Identité culturelle.

 

Comment donc définir l'identité culturelle d'un enfant africain qui ne sait parler que Français ou Anglais (ou Espagnole, ou Portugais, etc.)?

 

 

 

 

 



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